Difficile de se faire une opinion sur l'avenir de l'Euro qui continue de baisser à un rythme soutenu au moment où j'écris ces lignes! Et on ne peut même plus compter sur les experts pour nous aider à penser juste...
Lorsque la monnaie unique est légèrement remontée après le premier plan de sauvetage de la Grèce, on pouvait entendre partout "Les marchés ont reçu le message qu'ils attendaient". Un peu plus tard, lorsque l'Euro a repris son plongeon on a eu droit au traditionnel "Les marchés sont vraiment très inquiets". J'imagine qu'au prochain ralentissement de la baisse, ce sera plutôt du genre "Les marchés vont être attentifs". Vous remarquerez qu'on ne dit pas "Le Marché", mais "Les Marchés", indiquant par là même qu'il existerait une sorte d'entente tacite entre des entités virtuelles agissant de concert pour le plus grand bien de l'humanité...
Bref, je ne crois pas être excessif en affirmant que les prévisions de nos spécialistes ressemblent de plus en plus à celles d'un météorologiste qui sortirait de chez lui pour vérifier s'il pleut... Il est très difficile, voire impossible de trancher entre d'un côté les commentaires des Cassandres qui nous annoncent que la fin du Monde est pour bientôt, et de l'autre côté ceux des incurables optimistes qui continueraient vaille que vaille à jouer du violon sur le pont d'un Titanic en flamme!

Finalement, je me dis que dans ce contexte l'opinion d'un entrepreneur opérant lui aussi sur "Les Marchés" n'est pas plus mauvaise qu'une autre. C'est d'ailleurs Philippe Bouvard qui disait récemment, je cite: "j'adore qu'on me pose des questions sur des sujets que je ne maîtrise pas vraiment, de cette façon je me cultive en m'écoutant parler" ;-)
C'est ce qui m'amène à confirmer sans état d'âme ce que je pressentais déjà confusément dans mon dernier billet, à savoir que la crise de l'Euro n'en est pas une! Et ce pour trois raisons:
1) Le cours de l'Euro est encore très loin de ses plus bas! Un Euro qui serait à parité avec le Dollar nous ramènerait simplement au cours d'introduction de la monnaie unique, ce qui n'est finalement pas un drame. Il est d'ailleurs amusant de noter que lorsque l'Euro passe à la baisse les 1,25 Dollars, on parle de chute dramatique de la monnaie unique, alors qu'il y a seulement 2 ans, le même mouvement mais en sens inverse était perçu comme une baisse terrible du Dollar. Vous m'avez bien compris, dans tous les cas c'est terrible ;-)
On oublie trop souvent de dire qu'une monnaie moins forte favorise les exportateurs. Or, en ces périodes de croissance molle et de chômage élevé, ce sont les entreprises exportatrices - souvent les plus innovantes - qui peuvent redonner un peu de souffle aux économies atones de nos vieux pays...
2) Pour ceux qui comme moi sont sur le terrain, on assiste depuis ces derniers mois à une reprise assez forte sur le territoire Américain et à un début de reprise plus ou moins marqué sur une partie de l'Europe. En clair, les difficultés des Etats ne semblent pas rejaillir sur le fonctionnement des entreprises, en tout cas pas encore... La crise financière est certes loin d'être terminée, mais l'économie réelle ne se porte pas si mal que ça, et c'est tout de même l'essentiel!
3) Les gouvernements des différents pays de la zone Euro sont presque tous confrontés à des déficits excessifs et à des dettes abyssales. Doit-on rappeler que la France produit cette année moitié moins de richesse qu'elle n'en consomme? Est-il nécessaire de redire que les déficits sociaux cumulés de l'hexagone représentent déjà 4 fois notre PIB? Dans ce contexte, cette crise ne doit pas être perçue comme une crise de l'Euro (la monnaie) mais plutôt comme une crise de la zone Euro (les pays).
La chute de la maison Grèce et les menaces qui pèsent sur les pays les plus endettés constituent en réalité une fantastique opportunité pour les gouvernements européens! Ils vont pouvoir à l'image de l'Espagne faire passer des reformes et des mesures drastiques visant à restaurer les finances publiques, mesures qu'il serait inimaginable d'envisager par temps calme. A titre d'exemple, la nécessaire réforme des retraites en France - toujours entamée mais jamais terminée - pourrait finalement se dérouler dans un contexte plus serein que d'habitude, tout le monde étant dorénavant conscient de l'impérieuse nécessité de régler nos difficultés financières...
A mon sens, cette crise de l'Euro qui n'en est pas une pourrait finalement avoir de grandes vertus thérapeutiques, et venir s'ajouter à la longue liste des périodes de "destruction créatrice" (*) qui ont émaillé l'histoire du capitalisme moderne...
Pour terminer sur une note plus légère, je vous conseille vivement ce court extrait d'une émission assez surréaliste présentée sur Antenne 2 en 1984, et qui visait à expliquer la crise et ses conséquences au Français, avec bien sur Yves Montand en guest-star:

http://www.dailymotion.com/video/xnhou_montand-la-crisey-mais-quelle-crise_fun
A très bientôt ;-)
(*) Concept inauguré par Joseph Aloïs Schumpeter, économiste autrichien du XXe siècle, connu pour ses théories sur les fluctuations économiques, la destruction créatrice et l'innovation. Ni dans le courant keynésien, ni dans le courant marxiste, et bien que libéral, on le qualifie d'économiste hétérodoxe pour ses théories sur l'évolution du capitalisme.
Pour Schumpeter, les crises ne sont pas de simples ratés de la machine économique, elles sont inhérentes à la logique interne du capitalisme. Elles sont salutaires et nécessaires au progrès économique. Les innovations arrivent en grappes presque toujours au creux de la vague dépressionniste, parce que la crise bouscule les positions acquises et rend possible l'exploration d'idées nouvelles et ouvre des opportunités. Au contraire, lors d'une période haute de non-crise, l'ordre économique et social bloque les initiatives, ce qui freine le flux des innovations et prépare le terrain pour une phase de récession, puis de crise. (source Wikipédia)

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17May2010